Afin de s’adapter à l’urgence de la crise, le cadre juridique de l’activité partielle a été largement assoupli depuis le 16 mars dernier.
 
Parmi les mesures d’assouplissement, la réduction à 48 heures du délai d’autorisation, au-delà duquel la demande de recours au dispositif d’activité partielle est implicitement acceptée.
 
C’est sous couvert de cette autorisation implicite que plus de 12 millions de salariés sont placés en activité partielle, soit près d’un million d’entreprise.
 
Face à cet afflux et au risque de recours à l’activité partielle « de confort », le Ministère du travail a souhaité, dans le cadre d’une instruction ministérielle du 5 mai dernier (et non du Directeur Général du Travail …), confirmée par un communiqué de presse d’hier, déployer un plan de contrôle.
 
Ainsi, en l’absence de contrôle a priori, le contrôle a posteriori est en marche.
 
Le Ministère invite néanmoins le DIRECCTE à distinguer les situations de fraude de celles d’entreprises de bonne foi qui ont commis de simples erreurs dans leurs demandes.

Application du droit à l’erreur

Le droit à l’erreur est la possibilité pour un employeur de se tromper dans sa demande (d’AP au cas présent) sans risquer une sanction dès le premier manquement, et de procéder à une rectification, spontanément ou au cours d’un contrôle, lorsque son erreur est commise de bonne foi.
 
Le Ministère reconnait en effet que « la mise en place d’un nouveau système d’activité partielle et l’afflux d’entreprise ne l’ayant jamais mobilisé jusque-là pourront entrainer des erreurs dans le renseignement des demandes d’indemnisation, conduisant soit à une majoration, soit à une minoration des sommes versées aux entreprises au titre de l’allocation d’activité partielle ».
 
Les DIRECCTE sont dans ce cas incitées à engager « un dialogue avec l’entreprise en vue » de régulariser « à l’amiable », en amenant l’entreprise à reconnaître son erreur et à la corriger.
 
Sur ce point, le Ministère du travail précise que la situation financière de l’entreprise sera prise en compte dans les modalités de remboursement des sommes dues, et des solutions d’accompagnement pourront être proposées.

Traque des fraudeurs

Le principal objectif de ce plan de contrôle est évidemment d’identifier les entreprises fraudeuses pour pouvoir les sanctionner.

Les DIRECCTE ont ainsi pour mission de repérer notamment les cas où des entreprises :

  •  ayant demandé à bénéficier de l’activité partielle et qui ont demandé en parallèle à ces mêmes salariés de travailler ;
  • ont appliqué intentionnellement une majoration des demandes de remboursement de salaire au regard des montants des salaires effectivement payés. 

Seront plus spécifiquement ciblées les entreprises :

  • ayant demandé une indemnisation sur la base de taux horaires élevés ;
  • des seteurs les plus demandeurs en matière d’AP (BTP, activités de service administratif, de soutien et de conseil aux entreprises) ;
  • composées majoritairement de cadres pouvant exercer leur activité en télétravail.

Cas des signalements transmis à l’administration par les salariés, les syndicats, les CSE

Si vos salariés ou vos représentants ont dénoncé une fraude auprès des DIRECCTE, ces dernières sont invitées à les traiter rapidement.

Quels sont les moyens de contrôle ?

Les moyens de contrôle de l’Administration du travail sont étendus, puisque l’infraction concernée est le travail dissimulé.

À ce titre, l’Inspection du travail peut :

  • opérer des contrôles sur site et sur pièces, ce qui implique un droit d’entrée et de visite dans tout établissement sans avertissement préalable de l’inspecteur de travail,
  • se faire communiquer  des documents et copies immédiatement dans le cadre de son droit d’enquête : afin notamment de vérifier si la liste des salariés déclarés en activité partielle est cohérente avec la déclaration des heures travaillées et chômées figurant sur les bulletins de paie,
  • demander l’accès à tous les éléments comptables et aux données informatisées, telles que les relevés de connexion aux outils de connexion à distance,
  • interroger l’employeur et les salariés, lesquels pourront avoir à communiquer tout élément de preuve pouvant justifier de leur temps de travail pendant la période d’activité partielle (emails, SMS, relevés téléphoniques, agenda permettant d’établir le temps de travail réellement effectué…) ;
  • solliciter la production des attestations sur l’honneur (garde d’enfant) ou du certificat d’isolement remis par le salarié vulnérable en cas de contrôle.

Risques et sanctions encourus en cas de fraude

À l’issue de son contrôle, la DIRECCTE pourra décider :

– du retrait de la décision administrative d’autorisation dans un délai de 4 mois en cas d’illégalité de la demande d’AP ; 

– du retrait de la décision administrative d’indemnisation ;

– de la régularisation des demandes d’indemnisation payées dans un sens favorable ou défavorable à l’entreprise, soit de manière volontaire de la part de l’entreprise, soit de manière non consensuelle par la voie d’une procédure de reversement initiée par la DIRECCTE et mise en œuvre par l’Agence de Service des Paiements ; 

– de l’application d’une sanction administrative en cas de fraude constatée, pouvant prendre plusieurs formes et lesquelles sont cumulables (art. L 8211-1, 6°CT) :

  • Remboursement intégral des sommes perçues au titre de l’activité partielle ;
  • Interdiction de bénéficier pendant une durée maximale de 5 ans d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation ;
  • 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal.

Attention, la Ministère du Travail précise que les DIRECCTE devront communiquer leur feuille de route d’ici demain… à suivre donc.