Un risque pénal pèse-t-il réellement sur l’employeur dans le cadre de la poursuite ou de la reprise d’activité ?

De nombreux employeurs ont partagé leur crainte d’être poursuivis pénalement pour ne pas avoir pu ou su protéger leurs salariés du risque de contamination.

A cette crainte, Muriel PENICAUD a répondu, notamment dans une interview du 7 mai dernier, « enl’occurrence, un chef d’entreprise ne peut pas être responsable si un de ses salariés est victime du Covid-19. Mais il peut l’être s’il n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires et l’organisation du travail adéquate ».

En parallèle, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant prolongation de l’état d’urgence sanitaire, le parlement a tenté de limiter cette responsabilité.

C’est ainsi qu’au dernier état du texte adopté par la commission mixte paritaire (CMP), il est prévu que les délits non intentionnels, parmi lesquels la mise en danger délibéré d’autrui ou l’atteinte involontaire à la vie ou l’intégrité d’un salarié, sont applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur.

Était-il besoin d’atténuer les conditions requises pour engager la responsabilité pénale pour ce type d’infractions ?

Surement, si on s’en tient aux velléités de la CGT, qui a déjà déposé plainte contre Carrefour, Amazon mais également contre la Ministre du Travail pour « atteinte involontaire à la vie » et « mise en danger de la vie d’autrui » estimant que les salariés de la distribution manquaient de protection face au coronavirus.

Pour autant, l’analyse stricte des textes et de leurs interprétations jurisprudentielles laisse entrevoir une bien compliquée reconnaissance de la responsabilité pénale de l’employeur dans le cadre d’une contamination au Covid-19.

Une difficile reconnaissance de la responsabilité pénale en cas de contamination

► Mise en danger délibérée de la vie d’autrui:

Il s’agit du « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (article 223-1 Code Pénal).

Ainsi, la responsabilité sera engagée s’il était démontrée la violation, par l’employeur, d’une « obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».

A ce jour, en l’état des connaissances scientifiques sur la propagation du virus, et donc des moyens nécessaires et efficaces pour empêcher toute contamination, aucun texte légal ou règlementaire n’impose une obligation particulière de sécurité à l’employeur.

Ainsi, par exemple, le plan national de déconfinement présenté par le Ministère du travail, prévoyant notamment une jauge de 4m2 par salarié ne constitue évidemment ni un texte légal ni un texte réglementaire sur la base duquel la responsabilité pénale de l’employeur peut être recherchée.

À ce titre, citons par exemple la plainte déposée au visa de cette infraction le 31 mars par la CGT et la CFDT contre la direction d’Amazon, qui a été classée sans suite par le procureur de la République, ce dernier jugeant qu’aucun manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité de la part de l’employeur n’a été démontrée et que le risque de contracter le Covid-19 n’exposait pas les salariés à un risque imminent de mort ou de blessures graves.


► Atteinte involontaire à la vie ou l’intégrité d’un salarié (en présence d’un dommage:

Il s’agit de la situation où le salarié a contracté le covid-19 sur son lieu de travail compte tenu de mesures de protection inadaptées.

Le prérequis, à savoir que le salarié ait effectivement été contaminé sur son lieu de travail, est en lui seul impossible à démontrer et s’oppose donc à toute recherche de responsabilité pénale.

Qui plus est, cette infraction impose que la contamination ait donné lieu à un décès ou à incapacité temporaire de travail (ITT).

La responsabilité de l’employeur pourra être recherchée en cas de décès ou même d’incapacité temporaire de travail (ITT).

Il est donc peu probable que la contamination d’un salarié au Covid 19 puisse donner lieu à recherche de responsabilité pénale de l’employeur.

Une obligation de sécurité qui engage la responsabilité pénale

En revanche, le seul non-respect de ses obligations en matière de prévention des risques peut évidemment être à l’origine d’une condamnation pénale de l’employeur.

Il en est ainsi de tout risque professionnel et non seulement d’un risque biologique comme le Covid 19.

Tel sera ainsi le cas, lorsque l’employeur n’aura pas retranscrit ou n’aura pas mis à jour les résultats de l’évaluation des risques au sein du DUER.

Cette infraction est punie d’une amende de 1.500 € pour les personnes physiques et 7.500 € pour les personnes morales.

Ce sera également le cas, lorsque l’employeur ne respecte pas les règles d’hygiène et de sécurité prévues par le code du travail.

Il s’agit ici de l’obligation de sécurité, des mesures de prévention devant être prises par l’employeur, des obligations particulières liées à la sécurité et à l’aménagement des lieux de travail (état de propreté, conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des travailleurs), la mise à disposition des salariés des équipements de protection individuels et la prévention des risques biologiques.
Sanction : amende de 10 000 € avec une aggravation des sanctions, en cas de récidive, la peine prévue étant alors d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

 /!\ L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs de l’entreprise concernés, indépendamment du nombre d’infractions relevées dans le procès-verbal de l’inspection du travail.

Autrement dit, il reste primordial aux dirigeants de s’organiser pour limiter la mise en œuvre de toute action pénale, en s’assurant du respect des règles de prévention, en documentant au maximum les mesures prises et en informant dans les règles représentants du personnel et salariés.

  • Pourquoi pas désigner un référent Covid 19 ?

Pour vous permettre de mettre toutes les chances de votre côté quant à vos obligations, nous vous conseillons de désigner un référent Covid 19.Sa mission serait de :

  • Coordonner et adapter les mesures de prévention à mettre en œuvre et à faire respecter ;
  • Veiller au respect de ces mesures de prévention ;
  • Communiquer avec les salariés ;
  • Être un référent en cas de contamination.


 La récente décision du TJ du Havre rendue le 7 mai dernier dans l’affaire Renault Sandouville sur le non-respect de la réglementation de la prévention des risques professionnels est riche d’enseignements pour les entreprises en terme de démarche paritaire de prévention et d’évaluation face au risque Covid 19, de devoir de formation aux EPI et à la sécurité des salariés et actualisation des plans de prévention.
Les enjeux en terme de responsabilité d’entreprise sont là à notre sens !