Il est de jurisprudence constante que la liberté d’expression du salarié trouve sa limite dans l’abus.

La Haute juridiction est particulièrement rigoureuse dans son contrôle et l’abus ne peut être caractérisé que si les juges mettent en évidence l’usage de termes injurieux diffamatoires ou excessifs (Cass. soc. 21 mars 2018 n° 16-20516).

La Cour de cassation vient de fournir une nouvelle illustration à ce titre dans une décision rendue le 22 septembre dernier (n° 18-22204), particulièrement intéressante puisqu’elle concerne un salarié qui exécutait son préavis à la suite de son licenciement.

Un chef de service éducatif est licencié pour motif personnel le 13 mai 2015 par une association.

Lors de l’exécution de son préavis, ce salarié a adressé une lettre le 1er juin 2015 au Président de la Fédération Autisme 42, laquelle exerçait une autorité de tutelle sur l’association.

Au terme de cette correspondance, ce salarié avait dénigré son employeur auprès de cette Fédération. Il avait ainsi critiqué l’association remettant ainsi en cause son agrément et pouvant entraîner sa fermeture.

L’employeur a donc décidé de mettre fin au préavis en se prévalant d’une faute grave au regard de l’abus de ce salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression

Le salarié ayant contesté, la Cour d’appel caractérise l’abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression dans la mesure où les propos qu’il avait tenus l’avaient été en des termes excessifs, injurieux et diffamatoires, et dont la portée avait conduit à une large publicité. La lettre avait été adressée à des tiers, ce qui traduisait une volonté de nuire à l’association.

La Cour de cassation confirme la décision des juges d’appel et retient donc que les propos tenus par ce salarié caractérisent un comportement fautif suffisamment grave justifiant l’interruption de son préavis.

Ainsi l’employeur pouvait à juste titre mettre fin à l’exécution du préavis en se prévalant d’une faute grave, et cela sans avoir à initier une nouvelle procédure de licenciement.

Ce salarié a donc été privé de l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à la période restant à courir jusqu’au terme de son préavis.

Il est intéressant de relever que les juges d’appel, tout comme la Cour de cassation, caractérisent une intention de nuire à l’employeur, sous entendant que celui-ci aurait pu aller jusqu’à la caractérisation d’une faute lourde.

Rappel :

Dans un tel cas, cette interruption du préavis aura une incidence sur le calcul de l’indemnité de licenciement (lequel doit tenir compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat de travail) (Cass. soc. 11 sept. 2019 n° 18-12606).

Cette décision interpelle également sur le point de savoir si d’aventure de tels propos avaient été tenus sur des réseaux sociaux, l’employeur aurait-il pu s’en servir pour mettre un terme au préavis en se prévalant d’une faute grave ?

Sous réserve de la liberté d’expression et de l’abus, il convient de se référer au caractère public ou non de propos tenus sur des réseaux sociaux.

Ainsi il a pu être jugé que les propos tenus par un salarié sur son compte Facebook, affichés sur l’écran de l’ordinateur de l’entreprise et visibles de toutes les personnes présentes, perdait son caractère privé et que l’employeur pouvait les sanctionner (CA TOULOUSE, 4ème Ch. Sect.2, 2 fév.2018 n° 16/04882).

De même une publication spontanément communiquée à l’employeur par le courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « ami » sur le compte privé Facebook d’un salarié est un mode de preuve recevable (Cass. soc. 30 sept. 2020 n° 19-12058).

La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs récemment rappelé qu’il fallait s’attacher non seulement au caractère public ou non de la publication (les propos ont-ils atteint un public très large ou non ?) mais également à la prise en compte du droit à la liberté d’expression comprenant la liberté d’opinion de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées  (CEDH 15 juin 2021 n° 35786-19).