Au sein de votre entreprise, un unique salarié seulement perçoit systématiquement depuis plusieurs années une prime. Cette année, vous avez unilatéralement décidé de ne pas lui octroyer cette prime.
Pourrait-il se prévaloir de l’existence d’un usage pour solliciter son versement ?
La Cour de cassation, dans une décision rendue le 21 juin dernier (Cass. soc. 21 juin 2023, n°21-22.076) considère que le critère de généralité exigé pour qu’un avantage soit qualifié d’usage est rempli dès lors que son unique bénéficiaire est le seul salarié de sa catégorie.
Rappel des critères et du régime de l’usage d’entreprise
L’usage résulte d’une pratique de l’employeur dont la portée est collective dont l’objet est de reconnaitre ou d’allouer un avantage aux salariés de l’entreprise. Pour être caractérisée d’usage, trois critères cumulatifs doivent être réunis :
Dès lors que ces critères sont réunis, l’avantage accordé aux salariés présente un caractère obligatoire pour l’employeur, au même titre d’un accord collectif ou que le contrat de travail.
L’usage s’applique tant que l’employeur ne l’a pas dénoncé.
Il peut éventuellement être mis fin à l’usage par un accord collectif, sans mettre en œuvre la procédure de dénonciation, sous réserve que l’accord collectif ait exactement le même objet que l’usage.
En revanche, si l’usage a été contractualisé, il ne peut être remis en cause par un accord collectif moins favorable.
Les faits
Pour sa défense, l’employeur soutenait que cet arriéré n’était pas dû au motif que l’avantage n’était pas constitutif d’un usage puisqu’il était accordé à titre individuel à un seul salarié.
A supposer qu’il le soit, il entendait démontrer que cet avantage était attribué au salarié à titre purement individuel et non en raison de la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait.
L’avis des juges
La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et donne ainsi raison au salarié.
Elle relève que les trois critères caractéristiques de l’usage étaient bien réunis en l’espèce :
Notre analyse
- Alors même que l’avantage ne bénéficiait qu’à un seul salarié, il peut, dans certaines circonstances, constituer un usage.
- En cas de contentieux, il revient à l’employeur de démontrer que l’avantage est strictement individuel et décorrélé du poste ou de la catégorie professionnelle dont relève le salarié.
- Une telle preuve peut être difficile à rapporter lorsque les postes de travail et catégories professionnelles sont particulières, par exemple, s’agissant des cadres dirigeants.
- Or, les enjeux liés à la qualification de l’avantage alloué sont importants lorsque la suppression dudit avantage est envisagée.
Il est donc important de bien cartographier et qualifier juridiquement la nature des avantages consentis à vos salariés.
Un focus devra être fait plus particulièrement sur les primes exceptionnelles qui seraient octroyées depuis plusieurs années selon une périodicité identique et des critères identiques.