Dans une décision pour le moins contestable rendue le 7 décembre 2022 (Cass. soc. 7 décembre 2022, n°21-17.927),  la Cour de cassation considère que le médecin du travail, face à une inaptitude résultant d’une dégradation des relations entre les parties est exonéré de réaliser une  étude de poste et des conditions de travail préalablement à la restitution de son avis.

Les faits

Faut-il rappeler que les articles L.4624-4 et R.4624-42 du Code du travail disposent que le médecin du travail ne peut déclarer un salarié inapte à son poste de travail qu’après :

  • avoir réalisé un examen médical permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation, de mutation de poste ou sur la nécessité de proposer un changement de poste ;
  • avoir réalisé ou avoir fait réaliser une étude de poste ;
  • avoir réalisé ou avoir fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement ;
  •  qu’il a été procédé à un échange avec l’employeur.

    L’avis de la cour d’appel

    La cour d’appel, qui a procédé à l’examen de la procédure suivie par le médecin du travail, a relevé que l’inaptitude de l’intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d’une dégradation des relations entre les parties pendant l’arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées.

    Elle a en déduit que l’absence d’études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l’arrêt de travail.

    L’avis de la Cour de cassation

    La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel.

    En cela, cette position est conforme au texte de l’arrêt du 17 mars 2021 (Cass. soc. 17 mars 21, n°21-70.002) selon lequel la Cour de cassation n’exclut pas tout examen de la procédure suivie par le médecin du travail mais elle considère que cette question s’insère dans l’appréciation souveraine des juges.

    Le fait que la dégradation de l’état psychique du salarié soit intervenue pendant son arrêt de travail justifie que l’étude de poste comme celle des conditions de travail avant l’arrêt de travail du salarié n’étaient pas nécessaires.

    La contestation de l’avis d’inaptitude

    Dans un autre arrêt rendu le même jour (Cass. soc. 7 décembre 2022, n° 21-23.662), la Cour de cassation considère que dans le cadre d’une contestation de l’avis d’inaptitude, le non-respect de la procédure de constat d’inaptitude (qui ne suffit pas à remettre en cause l’avis d’inaptitude) est un élément pris en compte par les juges pour ordonner une mesure d’instruction afin de vérifier si l’avis d’inaptitude du salarié à son poste prend en compte notamment les conditions de travail.

    Quels enseignements ?

    • La nouvelle procédure de reconnaissance d’inaptitude issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 dite « Santé au travail » destinée notamment à offrir à l’employeur un cadre réglementaire stable est bien mise à mal par ces deux décisions.
    • L’existence d’une situation de RPS et de détresse psychique du salarié justifierait d’introduire une exception à la procédure réglementaire de reconnaissance de l’inaptitude.
    • Plus que jamais les entreprises doivent être vigilantes à déployer une politique de prévention du harcèlement moral et des risques psychosociaux dans l’entreprise, celle-ci est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral.
    • Sanctionner est une chose, prévenir en est une autre. La Cour de cassation l’a encore rappelée dans son arrêt du 23 novembre 2022 (Cass. soc. 23 nov. 2022, n°21-18.951).