Avant et depuis la crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont revu leurs projets immobiliers en envisageant notamment le déploiement d’espaces dynamiques dans un contexte de négociation de la pérennisation du télétravail.
Dans le cadre de ces projets de déménagement ou de reconfiguration des lieux de travail, le CSE peut recourir à des experts habilités : mais à quelles conditions ?
C’est la question à laquelle a répondu la Cour de cassation dans une décision rendue le 9 juin dernier, à propos du CHSCT (solution transposable au CSE).

Dans cette affaire (n° 19-21724), et dans le cadre d’un projet immobilier visant à réunir 11 sites sur un seul site comportant 4 bâtiments aménagés, l’employeur avait conclu avec les OS un accord collectif intitulé « Accord méthodologique pour la conduite des grands projets immobiliers », qui avait pour objectif notamment de décrire les modalités de fonctionnement avec les IRP « les plus adoptés et les plus efficaces » à chaque étape de ce type de projet.
Cet accord prévoyait ainsi quatre étapes et la possibilité de mettre en œuvre une instance temporaire de coordination (ITC) entre les CHSCT concernés.
Suivant trois délibérations, l’ITC a décidé de recourir à un expert pour l’assister pendant toute la durée de mise en œuvre du projet.
L’employeur a assigné l’ITC devant le Président du TGI (aujourd’hui TJ) en annulation de ces délibérations et sollicitait que l’expertise soit réalisée dans un délai de 45 jours maximum à compter de l’ordonnance à intervenir.

Pour s’y opposer, l’employeur soulevait notamment que

  • Le projet n’était pas finalisé et que la phase de conception des aménagements n’avait pas débuté, le début étant fixé pour 2020 ;
  • Les délais légaux interdisaient la désignation d’un expert pour une mission d’assistance permanente excédant 60 jours.

Le Président du TGI rejetait ces arguments et, partant, les demandes de l’employeur.
La Cour de cassation confirme cette ordonnance sur le premier point mais pas sur le second, en rappelant que :

  • Il s’agissait d’un projet immobilier important puisque « le projet architectural, la définition des espaces, leur destination, leur fonctionnalité et leur agencement général étaient susceptibles de déterminer la configuration finale et la distribution des postes de travail et donc susceptibles de modifier les conditions de santé, de sécurité et de réalisation du travail », de sorte « l’effet utile de la consultation imposait qu’elle soit faite en amont, dès la macro zoning, faisant ainsi ressortir que le processus décisionnel relatif au projet immobilier était acquis ».

L’expert pouvait donc être désigné pour assister l’ITC pendant toute la durée de mise en œuvre du projet.
  En revanche, l’expertise reste enfermée dans des délais légaux et l’expert ne peut être désigné pour une mission d’assistance permanente pendant toute la durée de l’opération. Ainsi, l’expertise unique organisée par l’ITC doit être réalisée dans un délai d’un mois à compter de la désignation de l’expert. Ce délai pouvant être prolongé pour tenir compte des nécessités de l’expertise sans pour autant dépasser 60 jours.

Que faire en cas de délibération du CSE votant le recours à une expertise ?

Dès le vote du recours à un expert par le CSE, vous devez vous interroger sur :

1/La nécessité de l’expertise : à titre d’illustration le projet répond-il à la qualification de projet important nécessitant le recours à une expertise : ce projet a-t-il un impact sur les conditions de travail des salariés ?

2/ Le choix de l’expert : par exemple, l’expert désigné est-il inscrit auprès de l’ordre des experts comptables ou bénéficie-il d’un agrément ou d’une habilitation d’expert ?

3/ Le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise : au regard de la lettre de mission transmise, celle-ci correspond-elle à la mission légale au titre de laquelle l’expert a été désigné, le temps évalué par l’expert est-il proportionné et justifié ou encore le taux horaire journalier est-il justifié ?

Le délai de contestation varie selon l’objet de la contestation :

  • Nécessité de l’expertise : 10 jours à compter de la délibération du CSE ;
  • Contestation du choix de l’expert : 10 jours à compter de la désignation de l’expert ;
  • Coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise : 10 jours à compter de la notification de la lettre de mission et des informations relatives au coût prévisionnel, à l’étendue et la durée de l’expertise ;
  • Coût final de l’expert : 10 jours à compter de la notification de ce coût.
Par conséquent, dès le vote du recours à une expertise par le CSE,
le choix de l’expert ou la réception de la lettre de mission,
vous devez immédiatement vous interroger sur la nécessité
de la contester et les délais ouverts à chaque situation,
sans perdre de temps.