Ce jour se plaide devant la Cour d’Appel de Versailles l’affaire AMAZON suite au jugement rendu par le Tribunal de Nanterre la semaine dernière.

Ce dossier révèle la difficile conciliation de la liberté de commerce et d’industrie et de la protection des travailleurs dans le cadre du respect des mesures sanitaires COVID 19.

Ce dossier n’est pas arrivé par hasard devant les tribunaux, mais bien sous l’impulsion des inspecteurs du travail et des DIRECCTE qui, préalablement, avaient adressé à certains établissements d’AMAZON, des mises en demeure d’avoir à mettre en place des mesures de prévention face au risque COVID.

Dans ce contexte tout à fait singulier, quel est donc le rôle que devra jouer l’administration du travail ?

Face à la crise sanitaire le rôle des inspecteurs du travail est effectivement mis à l’épreuve dans le cadre de l’accompagnement des entreprises tant dans la mise en œuvre de leur plan de continuité d’activité que dans le recours à l’activité partielle.

La Direction Générale du Travail par une note du 30 mars 2020 est venue préciser les modalités d’intervention des agents de l’Inspection du travail dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Cette note précise que l’Inspection du Travail n’a pas, dans ses attributions, compétence pour apprécier le respect des règles issues de l’article 7 du décret du 23 mars 2020 et plus particulièrement la poursuite d’activités qui ne sont pas jugées indispensables à la continuité de la vie de la nation.

Cette note rappelle aux inspecteurs du travail, ainsi qu’à leurs supérieurs hiérarchiques, qu’ils ne peuvent faire injonction à une entreprise de cesser immédiatement son activité, puisqu’ils n’ont pas compétence pour appliquer les dispositions de la police sanitaire.

C’est en ce sens que la liberté de commerce et d’industrie est préservée.

En revanche, l’Inspection du Travail doit continuer à veiller au respect des règles de santé et de sécurité et ce, dans le respect des préconisations émises par les autorités sanitaires.

Les pouvoirs dévolus aux services de l’Inspection du travail sont encadrés afin de ne pas empiéter sur la police sanitaire qui seule, semble avoir compétence, pour juger de la possibilité pour les entreprises de poursuivre ou non leur activité.

C’est dans ce contexte, que des aménagements sont pris au terme de la note du 30 mars 2020 s’agissant des interventions de l’Inspection du travail.

Les interventions à distance doivent être privilégiées alors que celles sur site ne sont maintenues que pour des cas graves et urgents (tel qu’accident du travail grave ou mortel, exercice du droit d’alerte, atteinte aux droits fondamentaux des personnes humaines…).

Les inspecteurs du travail sont amenés à procéder par étapes lesquelles ont vocation à déterminer si un déplacement sur site apparaît indispensable ou non.

Le mode opératoire est ainsi précisé :

  • un recueil préalable par téléphone ou échange dématérialisé sur les éléments concrets relatifs à la situation exposée ;
  • apprécier la stratégie d’intervention et de prévention la mieux adaptée par des échanges avec les responsables des unités de contrôle ;
  • échange avec l’employeur au moyen si besoin de correspondances ;
  • déplacement sur site si nécessaire après avoir été préalablement organisé.

Enfin, et compte tenu de la situation particulière traversée par de nombreuses entreprises dont notamment le recours à l’activité partielle, l’inspecteur du travail amené à formuler des observations devra fixer le délai imparti pour y répondre en tenant compte de la nature des réponses attendues et des aménagements mis en place au sein de l’entreprise face à l’état d’urgence sanitaire.

Cette note ministérielle a entrainé de vives réactions des organisations syndicales dénonçant une volonté du Ministère du Travail de privilégier la reprise d’activité au détriment du respect de l’obligation de sécurité et de la santé des salariés.

La colère s’élève contre ces mesures jugées par ces mêmes organisations syndicales comme une entrave aux missions des inspecteurs du Travail.

Les enjeux autour de la préparation de la reprise des activités après le 11 mai sont réels et les partenaires sociaux auront un rôle à jouer dans un dialogue social renouvelé dans le respect des principes de prévention édictés par les textes.

Néanmoins, ils ne devront pas faire fi du rôle dévolu à l’Inspection du travail et notamment l’inviter aux réunions du CSE dédiées aux modalités pratiques de la reprise !