La vigilance s’impose pour l’employeur lorsqu’il envisage le licenciement d’un salarié ayant dénoncé des agissements de harcèlement moral ou sexuel . Face à un risque de nullité, la prudence est de rigueur.

Dans un arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation considère qu’il n’appartient pas à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation d’agissements de harcèlement par un salarié et le licenciement intervenu.
La charge de la preuve d’une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel appartient au salarié si les motifs à l’appui du licenciement sont justifiés.

Pour la Cour de cassation, dès lors que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement caractérisent bien un motif réel et sérieux de licenciement, l’employeur n’a pas à prouver l’absence de lien entre le licenciement et la dénonciation par l’employé des faits de harcèlement ( Cass. soc. 18 octobre 2023, n°22-18.678 ) .

Les faits

Dans cette affaire, la salariée estime qu’elle a été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel de la part de son directeur d’établissement. Sur ce fondement, elle demande la nullité de son licenciement.  

Sa demande est accueillie par la Cour d’appel dans un premier temps, mais ce raisonnement ne sera pas suivi par les juges de la Cour de cassation.

La position des juges

La Cour de cassation estime ainsi qu’une erreur de méthode a été commise par la Cour d’appel.

En l’espèce, le licenciement prononcé pour insubordination de la salariée, notamment pour avoir quitté son poste à diverses reprises et avoir refusé d’effectuer ses missions, semble a priori étranger à son dépôt de plainte pour les faits de harcèlement. 

A retenir

Finalement, la Cour de cassation adopte une méthode d’analyse en deux temps, par le biais d’un examen préalable de la motivation à l’appui du licenciement :

Bien sûr, un tel débat probatoire ne peut avoir lieu que si la lettre de licenciement ne fait aucune mention de la dénonciation des faits de harcèlement par la salariée.

Les juges doivent s’en tenir aux motifs évoqués par la lettre de licenciement et vérifier si ceux-ci sont matériellement établis par l’employeur.

La qualité de la rédaction de la lettre de licenciement est donc essentielle dans ces affaires.

Notre avis

Cet arrêt est une bonne nouvelle pour les employeurs dans un contexte d’extension de la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement au sein de leur entreprise.

Pour mémoire, par un arrêt du 19 avril 2023, les juges ont en effet pu étendre la protection de ces salariés, en jugeant qu’il n’était pas nécessaire, pour bénéficier d’une telle protection, que le salarié dénonce expressément des faits qualifiés de « harcèlement moral » ( Cass. soc. 13 avril 2023, n°21-21.053 ).  

Cet arrêt du 18 octobre rééquilibre les forces en présence en réaffirmant le régime de la charge de la preuve en matière de contentieux sur le licenciement-rétorsion. Dès lors que le licenciement du salarié s’avère étranger à sa dénonciation de faits de harcèlement, sa protection ne joue plus.