Dans un arrêt du 29 octobre 2022 (Cass. soc. 26 octobre 2022 n°21-14.178), la Cour de cassation précise que le temps d’astreinte doit être qualifié de temps de travail effectif dès lors qu’il s’accompagne de contraintes qui sont si importantes qu’elles affectent la faculté du salarié de gérer son temps libre.
La notion de temps de travail effectif
Au sens de l’article L.3121-1 du CT
Le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est àla disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Ce temps exclut donc les pauses déjeuner ainsi que le temps utilisé pour l’habillage et le déshabillage (sauf dispositions conventionnelles contraires).
Au sens de la CJUE
La Cour de Justice de l’Union Européenne adopte une notion plus large du temps de travail effectif.
Au sens de la directive 2003/88, relève de cette notion« l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement,lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période degarde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du « temps de travail ». (CJUE, 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija)
La notion d’astreinte
Au contraire, l’astreinte est une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (article L. 3121-9 du Code du travail) .
Le salarié ne réalise pas une prestation de travail, sauf lorsqu’il intervient. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif et la période d’astreinte est assimilée en tant que telle à du repos.
La distinction est donc très importante car elle soulève de nombreux enjeux au titre par exemple des heures supplémentaires ou encore du non-respect des durées maximum de travail.
Les faits de l’arrêt du 26 octobre 2022
Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et demandait le paiement de diverses sommes.
Il a été engagé en qualité de dépanneur automobile et avait été amené à effectuer des astreintes de manière régulière comme le prévoyait son contrat de travail.
Le salarié justifie sa demande en indiquant qu’il devait de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des locaux de l’entreprise, en dehors des heures et jours d’ouverture afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention.
Le délai d’intervention qui lui était imparti pour se rendre sur place après l’appel de l’usager était donc très court.
Il demande le paiement d’heures supplémentaires afférentes à ces permanences.
La cour d’appel affirme qu’il s’agit de périodes d’astreinte et non de permanences constituant un temps de travail effectif et donc, que cela ne donne pas lieu à rémunération.
L’avis de la Cour de cassation
Les apports de cette décision
- Le juge doit donc procéder à une analyse in concreto afin de vérifier si la vie sociale du salarié se trouve impactée, avant d’écarter la requalification d’une demande d’astreinte.
- On peut supposer que le juge évalue les éléments par le biais d’un faisceau d’indices. Par exemple, le court délai d’intervention imposé au salarié constitue un indice d’une contrainte significative.
- La Cour de cassation trace alors une distinction nette entre les périodes d’astreintes et les permanences qui constituent un temps de travail effectif.
- Cette décision amènera peut-être les employeurs à réévaluer leurs dispositifs d’astreinte afin d’éviter ce genre de situation.
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