Lors de la mise en œuvre d’un licenciement collectif pour motif économique, l’employeur est amené à déterminer au sein d’une catégorie d’emploi les salariés qui seront licenciés.

L’établissement de l’ordre des licenciements sur la base des critères définis par la loi peut se révéler un véritable casse-tête lorsque l’on souhaite mesurer les qualités professionnelles et les pondérer.

Dans le cadre de contentieux administratifs relatifs à l’homologation de PSE mis en place par décision unilatérale, le Conseil d’Etat par deux arrêts du 31 octobre 2023 (CE, 31 octobre 2023, n°456332 et n°456091) est venu opérer un contrôle des critères d’ordre professionnel utilisés par l’employeur.

L’administration doit notamment vérifier que les indicateurs choisis par l’employeur ne sont ni discriminatoires ni dépourvus de rapport avec l’objet de ces critères.

Les conditions d’élaboration des critères d’ordre en l’absence d’accord collectif

En l’absence de convention ou d’accord collectif de travail précisant les critères pour fixer l’ordre des licenciements, l’employeur doit définir les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements en application de l’articleL.1233-5 du Code du travail :

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères.

En l’absence d’accord collectif, le périmètre d’application des critères d’ordre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois.

Les faits

CE, 31 octobre 2023, n°456332

Pour apprécier le critère relatif aux qualités professionnelles, l’employeur avait pris en compte le système d’évaluation professionnelle.
Pour les salariés qui n’avaient pas fait l’objet d’évaluation en raison d’absences de longue durée, un nombre de points correspondant à la moyenne des entretiens d’évaluation des salariés de leur catégorie professionnelle leur était attribué.

CE, 31 octobre 2023, n°456091

Afin d’apprécier les qualités professionnelles des salariés, à défaut de compte-rendu d’évaluation professionnelle des salariés, celles-ci ont été évaluées à partir de deux indicateurs communs à toutes les catégories professionnelles :

  • les absences injustifiées des salariés au cours des 12 derniers mois ;
  • la détention d’un ou plusieurs permis « CACES ».

Les questions posées au juge

  • Les comptes rendus des entretiens d’évaluation, y compris pour des salariés qui n’auraient pas été évalués pendant la période de référence peuvent-ils être mis en oeuvre pour apprécier le critère relatif aux qualités professionnelles des salariés ?
  • La prise en compte du présentéisme des salariés appréciée au regard de leurs absences injustifiées permet-elle d’apprécier les qualités professionnelles des salariés ?
  • La détention d’un ou plusieurs certificats d’aptitude à la conduite correspondant aux besoins du repreneur peuvent-ils être pris en compte au titre du critère relatif aux qualités professionnelles de l’ensemble des salariés, peu important leurs fonctions ?

L’avis du Conseil d’Etat

La Cour de cassation avait pu juger que l’attribution d’une note aux salariés selon leur niveau de diplôme ne pouvait être retenue comme un élément d’appréciation du critère des qualités professionnelles, cet élément ne permettant pas de déterminer objectivement lequel de ces salariés était le plus apte à occuper le poste restant (Cass. soc. 18 janvier 2023, n°21-19.675).

Nos préconisations

Lorsque vous établissez des critères pour fixer l’ordre des licenciements assurez-vous :

  • Que les éléments permettant d’apprécier ces critères ne sont pas discriminatoires, et en rapport avec l’objet même de ces critères.
  • Que les éléments permettant d’apprécier les qualités professionnelles des salariés, même s’ils peuvent différer selon les catégories professionnelles, n’aient pas pour objectif de cibler des salariés en particulier, et soient en rapport avec ce critère.
  • Lorsque certains salariés n’ont pu faire l’objet d’une évaluation professionnelle, la référence à la moyenne des autres salariés de leur catégorie ne sera possible que si le nombre de salariés évalués est suffisant. A défaut, cela pourrait conduire à cibler les salariés.
  • Les formations et diplômes des salariés peuvent être pris en compte pour apprécier leurs qualités professionnelles seulement s’ils sont en lien avec la qualification évaluée.